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LE 7e CONTINENT : ENQUETE SUR LE PLASTIQUE DANS LES OCEANS

Tu as surement déjà entendu parler du 7e continent de plastique, cette immense étendue qui flotte au milieu des océans, un véritable continent sur lequel on pourrait marcher.
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour toi. La bonne, c’est qu'en réalité le septième continent n’existe pas, à proprement parler. La mauvaise, c’est qu’il y a bien du plastique dans l'eau, et tellement qu’il est impossible d’évaluer ni même d’imaginer sa masse...

La vérité sur le 7e continent de plastique

Pour enfin démêler le vrai du faux et tout comprendre sur le 7e continent de plastique, je suis allée interviewer Patrick Deixonne, marin-explorateur-conférencier de l’expédition 7e continent.

En 2009, Patrick traverse l’Atlantique à la rame en précisément 46 jours, 7 heures et 27 minutes. Il devient ami avec un oiseau sauvage, et se fait suivre à la trace par un requin.
Un jour, il pêche un poisson dont les entrailles sont remplies de plastique. Il préfère ensuite puiser sur ses réserves quitte à s'affaiblir, que de continuer a pêcher.

Depuis, il est engagé à bord des explorations 7e continent, pour étudier le plastique dans les océans, et en parler au grand public.

1. Question bateau : pourquoi faut-il préserver les océans?

J'ai envie de dire « ça coule de source » ; les océans sont la source de la vie. Sans eau il n'y a rien, et il n’y a pas d'hommes. Les océans ne sont pas si immenses que l'on croit. En réalité il sont très fragiles, ils ne sont pas inépuisables. Aujourd'hui on les traite de plus en plus mal, or, ce sont une vraie pompe à carbone. Dans l'idéal, il faut préserver l'écosystème en entier, pas seulement les océans !

 

2. Tu as croisé énormément de plastique dans les océans : peux-tu nous dire ce qui t'a le plus donné envie d'agir ?

Durant la traversée de 2009 j'ai un peu côtoyé de plastique, mais pas tant que ça. En revanche dans le Pacifique (pour vérifier les dires de Charles Moore, voir vidéo ci-dessous) à 2000 km des côtes on ramasse des quantités astronomiques de plastique. C'est une pollution sournoise et cachée. Et c'est ça qui m'a donné envie d'agir et d'en savoir plus.

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3. On entend souvent parler du septième continent de plastique -à tort- comme d’un continent solide qui flotterait dans l'océan. Toi qui travailles dessus : à quoi ressemble-t-il en vrai ?

On peut comparer le septième continent à du plancton : on ne le voit pas, il n'est pas matérialisable, et les baleines en mangent plein. La plupart du temps ce plastique est invisible !
Ce n'est pas facile d'en parler, c'est un peu comme la pollution dans les villes. On est face à des macro déchets (1 mm à 20 cm) et des gros déchets qui se dégradent.
Ces morceaux de plastique se fragmentent assez rapidement en micro puis nano-particules pour faire une espèce de soupe, ou alors ils s'échouent sur les plages. On en trouve partout dans le sable et dans les océans. 

99 % du plastique dans l'océan est sous la forme de nano-particules ; elles sont présentes partout, et impossible à ramasser parce que beaucoup trop minuscules.

Contrairement à ce que l'on croit, les morceaux de plastique se déplacent plus sous l'effet du vent que par les courants. La grande majorité du plastique de l'océan provient de la terre, et a été transporté par les rivières ou les fleuves. Par exemple, un déchet jeté dans une forêt finira dans une flaque d’eau qui rejoindra une rivière puis se jettera dans un fleuve et aboutira à enfin à la mer.
Le septième continent n'est pas un tourbillon de plastique comme dans une baignoire que l'on vide, avec des gros morceaux flottants aspirés au milieu. Ceux-ci sont toujours en mouvement et se déplacent d'un endroit à l'autre. Ce qu'on appelle les 5 gyres, ce sont des concentrations de plastique rassemblés par les courants marins.
On pourrait plutôt comparer le phénomène à des étoiles : on en voit des milliers concentrés dans une même zone mais ils sont tous très éparpillés et inatteignables. Du coup, vouloir nettoyer les océans est un projet irrationnel. C'est un peu comme vouloir éponger une baignoires qui déborde... On dépenserait des milliards et des milliards pour rien ! Le meilleur reste à arrêter d'alimenter les océans en plastique et contrôler les déchets sur terre.

4. Quel est l'impact sur l'homme du plastique présent dans les océans ?

Le plastique transporte des métaux lourds et des polluants organiques et contamine la chair des animaux (cette dernière information est encore en cours d'étude, à valider). Cela a forcément des conséquences pour l'homme.
Nous avons comparé la concentration en métaux lourds présents dans une boîte en plastique trouvée dans l'océan avec la même boîte en plastique achetée en supermarché, et le plastique pêché dans l'océan possède une concentration 1000 fois plus élevée en métaux lourds que du plastique neuf. Le plastique agit comme une éponge. Lorsque les animaux marins ingèrent ces substances, cela a très probablement un impact sur nous.
Bien sûr, en dehors des océans le plastique a aussi des effets nocifs sur l'homme, tu as sûrement déjà entendu parler des perturbateurs endocriniens.

 

5. Imaginons que demain plus personne n'utilise de plastique. Penses-tu que les océans arriveraient à s'en sortir ?

Les poissons se servent des gros déchets comme habitat et voyagent avec eux. Les micros algues se fixent sur le plastique et initient un début de chaîne alimentaire. D'habitude, les poissons suivent des morceaux de bois qui se dégradent peu à peu pendant le voyage, et ils ne vont pas bien loin. Mais avec le plastique, les coquillages, méduses ou autres se retrouvent à des milliers de kilomètres de leur habitat d'origine, au mauvais endroit, et ce n'est pas naturel. On pourrait éviter ce genre de situation.
Si demain plus personne n'utilise de plastique, celui qui est aujourd'hui présent dans les océans se transformera peu à peu en nano-particules. Or, on ne sait pas où elles passent. Nous les avons seulement découvertes l'année dernière. Aujourd'hui on tue des animaux et on empoisonne la chaîne alimentaire à cause du plastique. Demain on pourrait éviter une catastrophe, ou du moins stabiliser la situation.
 


6. Que peut-on faire au quotidien pour faire changer les choses ? Est-ce que tout le monde devrait devenir zéro déchet ?

Oui ! Le zéro déchet est l'avenir de l'humanité. Le déchet est créé par l'homme, mais on peut créer de la richesse avec. Aujourd'hui cela coûte moins cher de traiter ses déchets que de ne pas les traiter.

L'environnement est encore un sport de riche, mais les politiques commencent à comprendre l'intérêt que l'on peut en retirer.

Ce qu'il faut c’est faire avancer les secteurs ensemble ; les politiques les industriels… pour leur trouver un intérêt économique commun. Suez a intérêt à créer de la valeur avec des déchets, pour ne pas couler la boîte.

On doit agir tous ensemble pour améliorer les choses. Par exemple, je vais voir les industriels directement pour leur proposer d'autres solutions (packaging, technologies...), puis j'en discute avec les consommateurs. La discussion et l'échange sont positifs et plus valorisant qu’un simple boycott.

Les réseaux sociaux sont aussi une force de frappe très puissante. Cela coûte moins cher aux industriels de ne pas tricher que de tricher, mais il faut encore qu'ils le comprennent ! Dénoncer le sur-emballage par exemple, c'est un bon acte citoyen.

La solution et l'avenir réside surtout dans l'éducation. Il faut informer les gens. De mon côté, j'intervient notamment auprès des cuisinistes ou dans les écoles, pour essayer d'intégrer l'idée des poubelles de tri à la source.

 

7. Quelles sont les grandes actions plausibles qui aiderait à nettoyer les océans ?

Comme je le disais plus tôt, vouloir nettoyer les océans ne servirait à rien. Ce qu'il faut c'est plutôt s'attaquer à la source. Le SIAAP fait des études sur le courant des fleuves, qui sont des autoroutes à plastique : 80 % des déchets présent dans les océans proviennent des rivières et des fleuves ! Le SIAAP installe par exemple des barrages dans les voies fluviales avec des collecteurs de déchets, une solution efficace et peu chère. Suez propose aussi des grilles de filtration pour les macro-déchets plastique des eaux fluviales vers les stations d'épuration. Il faut traiter le problème à terre avant de s'attaquer aux océans.

Une autre solution est la mobilisation des citoyens, grâce aux associations et aux blogueurs engagés. À nous tous nous créons un mouvement citoyen mondial très puissant.


+ Pour aller plus loin, une infographie animée qui répond à toutes nos questions : http://explique7econtinent.com/

Merci encore à Patrick pour son temps, et surtout, à vous de jouer ! Partagez cet article avec vos proches pour faire changer les choses !