SOCIÉTÉS MATRIARCALES : LES FEMMES À L'ORIGINE DE LA VIE & DE LA CULTURE

Ce texte est extrait de mon livre (à paraître) sur la maternité au naturel, dans lequel je parle de l’histoire de l’accouchement. J’en viens à remonter aux sources de nos sociétés, en parlant des modèles matriarches anciens, de la chasse aux sorcières, de l’influence Biblique, de la sur-médicalisation moderne, et des mouvements qui ont contribué à remettre la femme -et le nourrisson- au cœur de l’enfantement. Si cette idée de livre vous plaît, je vous invite à suivre sa progression sur mon compte instagram : tiffinlyon_zerodechet.

Dans son livre Les sociétés matriarcales, Heide Goettner-Abendroth explique que les sociétés patriarcales dont nous faisons partie, c’est-à-dire « où une minorité issue de guerres de conquête régente l’ensemble de la culture, assoit son pouvoir sur les structures de coercition, la propriété privée, le joug colonial et la conversion religieuse »[1], n’apparaissent que vers -4000 -3000 avant notre ère. Avant cette ère, et, tenez-vous bien, encore aujourd’hui dans quelques rares régions, les sociétés étaient majoritairement menées par des femmes. Et non, les hommes n’y étaient pas soumis. Ils collaboraient avec les femmes, mais ils ne détenaient pas le pouvoir, et ne pouvaient transmettre d’héritage ou de titre.

Le terme matriarcat n’est pas l’opposé du patriarcat, comme on le croit souvent à tort, mais signifie « mères depuis le début » (et non domination par les femmes, la terminologie –arkè signifiant les deux en grec). Il existait dans les montagnes de l’Orénoque en Amérique Latine un peuple de femmes Amazones appelées les Worisianas, qui signifie « peuple des femmes qui descendent des Mères ». « Étant celles qui donnent naissance, les mères sont à l’origine de la vie, et (…) elles sont aussi les créatrices des commencements de la culture »[2].

« Cette forme de société a jadis été la règle »[3] écrit Heide. Pendant très longtemps, les femmes dirigeaient donc le monde (comme dans la chanson de Beyonce), en développant une économie autour du partage et du don, dans une société horizontale matrilinéaire, égalitaire, et sans domination d’un sexe sur l’autre, vouant un culte au monde entier et à la Divinité féminine, d’après les recherches de Goettner-Abendroth.

Mais les hommes qui ont écrit l’Histoire (History / his story en anglais : son histoire, au masculin) ont omis de le rappeler ou même de prendre simplement le recul nécessaire pour le conceptualiser et s’appuyer sur cette hypothèse comme une possibilité de réponse. D’où le fait qu’aujourd’hui il est fort probable que l’immense majorité des historiens ou archéologues n’ait même pas l’idée d’aborder leurs découvertes sous un autre angle, ou de les remettre en question. Et on peut les comprendre, parce que le patriarcat est aujourd’hui la norme, et que nous pensons –malgré nous– sous son prisme, que l’on soit femme ou homme. Mais au niveau de la compréhension de l’Histoire de l’humanité, c’est un peu comme si on portait des lunettes à filtre jaune en permanence, qui font que dès que l’on découvre quelque chose de bleu on affirme que c’est du vert. Et que celles (ce sont rarement des hommes) qui disent « non en fait c’est du bleu » on leur réponde qu’elles voient bleu parce qu’elles sont illuminées, ou que leur raisonnement n’est pas scientifique.

Heide écrit cette phrase qui en dit long sur l’origine du patriarcat : « faute du droit naturel à revendiquer un rôle dès le « début » les pères ont été contraints, depuis l’émergence du patriarcat, d’insister sur ce rôle, puis de l’imposer grâce à la domination. À l’inverse, du seul fait de donner naissance au groupe, à la prochaine génération, et par conséquent à la société, les femmes sont à l’évidence le commencement ; dans le matriarcat, elles n’ont nullement besoin d’imposer cela par la domination »[4]. Mères dès l’origine de la vie, les femmes n’ont donc pas besoin de le revendiquer.

Et c’est cette peur masculine de n’avoir ni preuve ni garantie de sa filiation directe qui a engendré la domination patriarcale : en contrôlant les femmes, en les possédant par la force, la subordination, le mariage… on contrôle sa descendance. Mais en respectant la vie, on maintient l’équilibre harmonieux originel. De ces deux modèles de société, le premier a écrasé le second jusqu’à le faire oublier. Il est grand temps d’en parler et de diffuser son message égalitaire.

[1] Les sociétés matriarcales, Heide Goettner-Abendroth, des femmes, p.9
[2] Les sociétés matriarcales, Heide Goettner-Abendroth, des femmes, p.11
[3] Les sociétés matriarcales, Heide Goettner-Abendroth, des femmes, p.17
[4] Les sociétés matriarcales, Heide Goettner-Abendroth, des femmes, p.10

PS : J’ai choisi une photo des moaïs de l’île de Pâques, car les premiers peuples ayant habité les îles du Pacifique étaient issus de sociétés matriarcales.