#NOTALLDADS

Mais bien sûr que tu vas me dire #notalldads et bien sûr que tous les pères ne sont pas comme ça, heureusement ! Mais ce n’est pas contre toi que j’ai une boule de rage dans les tripes, c'est contre cette société qui accepte ce modèle là. Qui l’a inventé, construit, entretenu. Pense aux années 40, tu sais, cette affiche américaine avec une femme qui se retrousse les manches et qui dit “we can do it”. À l’époque, on avait bien besoin des femmes pour faire tourner les machines et la société. Ça les arrangeait bien de les mettre en avant comme des héroïnes de guerre. Et puis à peine les hommes sont rentrés du front que paf on les a recalées dans leurs chaumières, des enfants et des aspirateurs plein les bras. C'était quand même plus pratique, fallait pas qu'elles s'imaginent pouvoir continuer à travailler et à s’émanciper quand même.

Oui je te vois venir tu vas me dire qu'aujourd'hui une femme peut vivre seule, avoir une belle carrière, un bon salaire. Mais tu sais comment ça se passe ? Avec un congé paternité de moins d’un mois ? Il y a celles qui font l’effort surhumain de retourner bosser juste après leur accouchement, comme si rien n’avait changé. La violence du truc. Quand tu sais que se remettre debout après un accouchement cause des baisses d’organes à 50 ans. Que la femme saigne pendant presque un mois après avoir donné la vie. Qu'elle ne dort plus, que tous ses organes sont distendus dans son ventre. C'est couchée qu’elle doit restée, entourée, choyée, nourrie. On peut pas faire comme ci tout était comme avant et qu'il ne s'était rien passé. Elle a bon dos la femme modèle, dans un monde que les hommes font tourner. De toutes façons à 50 ans elle ne sera plus bonne à rien, tu le sais bien. Et il y a celles qui abandonnent l’idée d’avoir un enfant, qui font une belle carrière, qui deviennent des requins dans cet aquarium géant, obligée de muter pour être au niveau des autres requins marteaux. La violence du truc là encore. Et puis il y a celles qui restent avec leurs enfants, celles qui n'ont rien d’autre à foutre, il faut croire, que de faire grandir des petits humains, de les soigner, de leur donner à manger, de s’occuper de ranger l’appart au lieu de faire la sieste -parce qu'en plus elles ont mauvaise conscience à rester comme ça à la maison.

Elle travaille pas, tu comprends, elle sert à rien dans la société. Elle ne gagne même pas d’argent en faisant le métier le plus dur du monde, h24, 7j/7 et en plus bientôt il faudra qu’elle paye quelqu'un d’autre pour s’occuper de son petit à sa place. Non vraiment, c'est un mode de fonctionnement idéal pour les parents, cette société. Mais tu sais quoi, elle peut aimer passer son temps avec son petit, le voir grandir, respirer son ptit cou potelé, l’habiller comme une poupée. Elle peut avoir l’impression d’étouffer aussi souvent, parce qu'elle est beaucoup trop seule, parce que ses parents son loin, que sa belle famille n’a pas le temps de prendre le petit quelques heures, que le bébé pleure quand même pas mal et que c'est fatiguant de passer 2h avec lui, j'espère que tu comprends. Alors garde-le seul, va, tu le fais si bien. Et si t’as envie parfois de tout laisser tomber tu te souviens que c'est pas si simple maintenant que t’as ce petit humain dans le cœur. Alors il faut pouvoir compter sur le 2e parent dans ces moments là, tu vois, j’y reviens à ton rôle de partenaire. Faut pouvoir savoir que l’autre est là pour nous dire que ça va aller, que c'est normal de craquer. Surtout pas qu'on est vraiment mal organisée et qu’une mère célibataire y arriverait mieux que nous, ça c'est moche à dire à une maman, c'est très moche.

Le 2e parent il doit être là pour partager ce poids, ce lourd poids de la toute petite humanité qui pèse sur les épaules de tellement de mamans. Peu importe leur choix. Elles le payent par leur corps en repartant trop tôt travailler, par leur mental en restant enfermées, elles se prennent le regard des autres qui pensent avoir de meilleures solutions. Et le pire dans tout ça c'est que tu vas me dire de me calmer, que j’y vais un peu fort, que tous les pères ne sont pas des moins que rien, que la colère ne sert à rien. Mais laisse-moi dire ce que j’ai envie que tu saches. Même si tu le sais déjà, et encore plus si tu le sais déjà ! Parce que si tu le sais déjà, pourquoi tu fais rien pour que ça change et tu me laisses mariner dans ma colère et ma dépression post partum ? Ouais je sais, c'est pas joli une femme en colère, c'est pas joli une femme qui reste pas à sa place, qui dit ce qu'elle pense et qui en marre, qui n’est pas maquillée et qui se balade sans vergogne avec un peu de vomi séché sur le sweat-shirt. Ça te dérange un peu hein, ça te fait tout bizarre. Alors bouge toi, nous laisse pas toutes seules, sois solidaire si tu comprends, parce que si c'est juste pour nous appuyer la tête pour qu'on rentre à nouveau dans le moule tu peux tracer ta route on se débrouillera sans toi.

Mais laisse-moi te dire que c'est bien pire d’être à deux et de se sentir seule, qu'on peut pas tout gérer toutes seules, que les draps ne se changent pas seuls la nuit après un pipi au lit, que le frigo ne se remplit pas tout seul non plus, que le chat crève ou nous crève si on l’oublie, que la pédiatre n’a pas toutes les solutions pour le soigner ce ptit humain et que qu'il va falloir les trouver nous-même. Qu'on travaille ou non. Parce que bêtement on fait ce que nos mères, nos grands-mères et les femmes d’avant ont fait. On rentre dans le moule que la société a bien démoulé. Pendant que les hommes font leur part tout aussi merdique, à croire qu'il faut ramener l’argent à la maison, être fort, protecteur et rassurant. C'est tout aussi naze comme situation mais faut croire que ça ne vous dérange pas tant que ça si vous ne faites rien pour que ça change non plus de votre côté.

Les solutions elles sont là pourtant, il faut se sortir de ce moule. S’extraire de ce truc sur pilote automatique qui nous cloisonne et nous emprisonne dans des rôles improbables et réducteurs. Créer un village avec ses voisins, sa famille, ses amis, pour ne pas être seuls en tant que parents. Militer pour avoir 6 mois de congé parental au minimum. Créer des places pour faire garder les petits pour que les parents puissent respirer un peu aussi parfois. Redonner le pouvoir aux mères qui accouchent et mieux accompagner et valoriser les sages-femmes et les professions de la petite enfance. Dire aux mères que ce ne sont pas elles le problème, mais le moule. Qu'elles doivent demander de l’aide si elles en ont besoin. Qu'elles peuvent montrer leurs failles et se battre pour que les choses changent. Dire aux pères que leur rôle est crucial, qu’eux aussi ils doivent se battre avec nous, encore plus s'ils ne pensent pas faire partie du problème parce qu'ils sont de ceux qui partagent les tâches à la maison. Il faut qu'on se batte tous ensemble, encore plus, pour faire changer les choses.

Tiff InlyonComment